Tableau Naturel des rapports qui existent entre Dieu, l'Homme et l'Univers




Livre
L'univers n'existe que par des facultés créatrices, invisibles; les facultés créatrices de l'univers ont une existence nécessaire et indépendante de l'univers, comme mes facultés visibles existent nécessairement et indépendamment de mes oeuvres matérielles.

Indépendamment des facultés créatrices universelles de la nature sensible, il existe, encore hors de l'homme, des facultés intellectuelles et pensantes, analogues à son être, et qui produisent en lui des pensées; car les mobiles de sa pensée n'étant pas à lui, il ne peut trouver ces mobiles que dans une source intelligente, qui ait des rapports avec son être ; sans cela, ces mobiles n'ayant aucune action sur lui, le germe de sa pensée demeurerait sans réaction et par conséquent sans effet.

Cependant, quoique l'homme soit passif dans ses idées sensibles, il lui reste toujours le privilège d'examiner les pensées qui lui sont présentées, de les juger, de les adopter, de les rejeter, d'agir ensuite conformément à son choix et d'espérer, au moyen d'une marche attentive et suivie, d'atteindre un jour à la jouissance invariable de la pensée pure : toute chose qui dérivent naturellement de l'usage de la liberté.

La liberté
Comme principe, la liberté est la vraie source de détermination, c'est cette faculté qui est en nous de suivre la loi, qui nous est imposée, ou d'agir en opposition à cette loi; 

c'est enfin la faculté de rester fidèle à la lumière qui nous est sans cesse présentée. Cette liberté principe se manifeste à l'homme, même lorsqu'il s'est rendu esclave des influences étrangères à sa loi. Alors on le voit encore, avant de se déterminer, comparer entre elles les diverses impulsions qui le dominent, opposer ses habitudes et ses passions les unes aux autres et choisir enfin celle qui a le plus d'attrait pour lui.

Considérée comme effet, la liberté se dirige uniquement d'après la loi donnée à notre nature intellectuelle; alors, elle suppose l'indépendance, l'exemption entière de toute action, force ou influence contraire à cette loi, exemption que peu d'homme ont connue. Sous ce point de vue, où l'homme n'admet aucun autre motif de sa loi, toutes ses déterminations, tous ses actes sont l'effet de cette loi qui le guide, et c'est alors seulement qu'il est vraiment libre, n'étant jamais détourné par aucune impulsion étrangère de ce qui convient à son être.

Dieu
Quant à l'être principe, à cette force pensante universelle, supérieure à l'homme, de laquelle nous ne pouvons pas surmonter ni éviter l'action, et dont l'existence est démontrée par l'état passif où nous sommes envers elle relativement à nos pensées, ce dernier Principe a aussi une liberté qui diffère essentiellement de celles des autres êtres; car étant lui-même sa propre loi, il ne peut jamais s'en écarter et sa liberté n'est exposée à aucune entrave ou impulsion étrangère. Ainsi, il n'a pas cette faculté funeste par laquelle l'homme peut agir contre le but même de son existence. Ce qui démontre la supériorité infinie de ce Principe universel et Créateur de toute loi.

Ce Principe suprême, source de toutes les puissances, soit de celles qui vivifient la pensée dans l'homme, soit de celles qui engendrent les oeuvres invisibles de la nature matérielle, cet être nécessaire à tous les autres êtres, germe de toutes les existences : ce terme final vers lequel elles tendent, comme par un effort irrésistible, parce que toutes recherchent la vie ; cet être, dis-je est celui que les hommes appellent généralement DIEU.

Le but de l'homme : le retour à l'Unité
Lorsqu'un homme produit une oeuvre quelconque, il ne fait que peindre et rendre visible le plan, la pensée ou le dessein qu'il a formé. Il s'attache à donner à cette copie autant de conformité qu'il lui est possible avec l'original, afin que sa pensée soit mieux entendue.

Si les hommes dont l'homme veut se faire entendre, pouvaient lire dans sa pensée, il n'aurait aucun besoin des signes sensibles pour en être compris : tout ce qu'il concevrait serait saisi par eux, aussi promptement et avec autant d'étendue que par lui-même.

Il n'emploie donc tous ces moyens physiques, il ne produit toutes ces oeuvres matérielles que pour annoncer sa pensée à ses semblables, à des êtres distincts de lui, de les assimiler à une image de lui-même, et en s'efforçant de les envelopper dans son unité, dont ils sont séparés.

Tous les hommes n'ont et n'auront jamais pour but que de faire acquérir à leurs pensées, le privilège de l'universalité, de l'unité. 

C'est cette même loi universelle de réunion qui produit l'activité générale, et cette voracité que nous avons remarqué dans la Nature physique : car on voit une attraction réciproque entre tous les corps, par laquelle, en se rapprochant, ils se substantent et se nourrissent les uns les autres; c'est par le besoin de cette communication, que tous les individus s'efforcent de lier à eux, les êtres qui les environnent de les confondre en eux et de les absorber dans leur propre unité, afin que les subdivisions venant à disparaître, ce qui est séparé se réunisse; ce qui est à la circonférence revienne à la lumière, et que par là l'harmonie et l'ordre surmontent à la confusion qui tient tous les êtres en travail.

Lorsque Dieu a eu recours à des signes visibles, tels que l'Univers, pour communiquer sa pensée, il n'a pu les employer qu'en faveur d'êtres séparés de lui. Car si tous les êtres fussent restés dans son unité, ils n'auraient pas eu besoin de ces moyens pour y lire. Dès lors nous reconnaîtrons que ces êtres corrompus séparés volontairement de la cause première, et soumis aux lois de sa justice dans l'enceinte visible de l'Univers, sont toujours l'objet de son amour, puisqu'il agit sans cesse pour faire disparaître cette séparation si contraire à leur bonheur.

La loi de tendance à l'unité
La loi de tendance à l'unité s'appliquant à toutes les classes et à tous les êtres, il résulte que le moindre des individus a le même but dans son espèce : c'est-à-dire, que les principes universels, généraux et particuliers se manifestent chacun dans les productions qui leur sont propres, afin de rendre par là leurs vertus visibles aux êtres distinct d'eux, qui étant destinés à recevoir la communication et les secours de ces vertus, ne le pourraient sans ce moyen.
Ainsi, toutes les productions, tous les individus de la Création générale et particulière, ne sont, chacun dans leur espèce, que l'expression visible, le tableau représentatif des propriétés du principe soit général, soit particulier qui agit en eux. Ils doivent tous porter en eux les marques évidentes de ce principe qui les constitue. Ils doivent en annoncer clairement le genre et les vertus, par les actions et les faits qu'ils opèrent. En un mot, ils doivent en être le signe caractéristique, et, pour ainsi dire, l'image sensible et vivante.

En quoi l'homme diffère-t-il des autres productions de la Nature ?
Pour connaître l'homme, il faut chercher en lui les signes d'un Principe d'un autre ordre que le principe qui anime la matière. Si l'on observe attentivement les oeuvres de l'homme on apercevra que non seulement elles sont les expressions de ses pensées; mais encore, qu'il cherche, autant qu'il le peut, à se peindre lui-même dans ses ouvrages. Il ne cesse de multiplier sa propre image par la Peinture et la Sculpture, et dans mille productions des Arts les plus frivoles ; enfin, il donne aux édifices qu'il élève, des proportions relatives à celles de son corps. Vérité profonde, qui pourra découvrir un espace immense à des yeux intelligents ; car ce penchant si actif à multiplier ainsi son image, et à ne trouver le beau que dans ce qui s'y rapporte, doit à jamais distinguer l'homme de tous les êtres particuliers de cet Univers.

Contrairement aux animaux qui ont des comportements identiques dans chacune des espèces, l'homme n'offre que des différences et des oppositions. Chaque homme est semblable à un souverain dans son Empire. Non seulement l'homme diffère de ses semblables, mais à tout instant encore il diffère de lui-même. Il veut et ne veut pas ; il hait et il aime ; il prend et il rejette presque en même temps le même objet ; presque en même temps il en est séduit et dégoûté. Bien plus, il fuit quelquefois ce qui lui plaît ; s'approche de ce qui le répugne ; va au devant des maux, des douleurs et même de la mort. Ainsi l'on peut dire que dans ses ténèbres, comme dans sa lumière, l'homme manifeste un principe tout à fait différent de celui qui opère et qui entretient le jeu de ses organes.

C'est une méprise impardonnable de conclure de différents exemples particuliers, à une loi générale pour l'espèce humaine. L'homme a en lui les germes de toutes les vertus; elles sont toutes dans sa nature, quoiqu'il ne les manifeste que partiellement, de là vient que souvent lorsqu'il semble méconnaître les vertus naturelles, il ne fait que les substituer les unes aux autres.

S'il est vrai que l'homme n'ait pas une seule idée à lui; et que cependant l'idée d'un tel pouvoir et d'une telle lumière soit, pour ainsi dire, universelle, tout peut être dégradé dans la science et la marche ténébreuse des hommes, mais tout n'y est pas faux. Cette idée annonce donc qu'il y a
dans eux quelque analogie, quelques rapports avec l'action suprême, et quelques vestiges de ses propres droits; comme nous avons déjà trouvé dans l'intelligence humaine, des rapports évidents avec l'intelligence infinie et avec ses vertus.

Si chacun des êtres de la Nature est l'expression d'une des vertus temporelles de la sagesse, l'homme est le signe ou l'expression visible de la Divinité même; autrement la ressemblance n'étant pas parfaite, le modèle pourrait être méconnu.

Les éléments intermédiaires : les nombres
Avant que les choses temporelles puissent avoir eu l'existence qui nous les rend sensibles, il a fallu des éléments primitifs et intermédiaires entre elles et les facultés créatrices dont elles descendent, sont d'une nature trop différente pour pouvoir exister ensemble sans intermède; ce qui nous est physiquement répété par le soufre et l'or, par le mercure et la terre, lesquels ne peuvent s'unir que par la même loi d'une substance intermédiaire.

Tout ce qui existe dans la nature corporelle, toutes les formes, les moindres traits, ne sont et ne peuvent être que des réunions, des combinaisons, ou des divisions des signes primitifs qui sont les nombres. 

Rien ne peut paraître parmi les choses sensibles qui ne soient écrit par eux, qui ne descendent d'eux et qui ne leur appartienne, comme toutes les figures possibles de la Géométrie seront toujours composées de points, de lignes, de cercles ou de triangles.

L'homme lui-même, dans ses oeuvres matérielles, qui ne sont que des oeuvres secondes par rapports aux oeuvres de la Nature, est lié, comme tous les autres êtres à ces signes primitifs; il ne peut rien élever, rien tracer, rien construire; il ne peut imaginer aucune forme, exécuter un seul mouvement volontaire ou involontaire, qui ne tiennent à ces modèles exclusifs, dont tout ce qui se meut, tout ce qui vit dans la Nature, n'est que le fruit de la représentation. S'il en pouvait être autrement, l'homme serait créateur d'une autre Nature et d'un autre ordre de choses, qui n'appartiendraient point au Principe producteur et modèle de tout ce qui existe sensiblement pour nous.

Il n'est donc rien dans l'homme corporel, ni dans ses productions, qui ne soit, quoique très secondairement, l'expression de l'action créatrice universelle, que tout être corporel représente, dès qu'il existe et qu'il agit.

La parole et l'écriture
Les sons et les caractères alphabétiques, qui servent d'instruments fondamentaux à tous les mots que nous employons pour manifester nos idées, doivent tenir à des signes et à des sons primitifs qui leur servent de base; et cette vérité profonde nous est tracée de toute antiquité dans le fragment de Sanchoniaton, où il représente Thot tirant le portrait des Dieux pour en faire les caractères sacrés des lettres; 10, emblème sublime et d'une fécondité immense, parce qu'il est pris dans la source même où l'homme devrait toujours puiser.

Puisque la loi qui sert d'organe à la suprême Sagesse établit partout un ordre et une régularité, elle doit avoir déterminé, pour l'expression des pensées qu'elle nous envoie, des signes invariables, comme elle en a établi pour la production de ses faits matériels.

Les sons et les caractères primitifs étant les vrais signes sensibles de nos pensées, ils doivent être les signes sensibles de l'unité pensante car il n'y a qu'un seul principe de toutes choses.

Ainsi les productions les plus défigurées, que nous puissions manifester par la parole et par l'écriture, portent toujours secondairement l'empreinte de ces signes primitifs; et par conséquent celle de cette unique idée, ou de l'unité pensante : ainsi l'homme ne peut proférer une seule parole, tracer un seul caractère, qu'il ne manifeste la faculté pensante de l'Agent suprême; comme il ne peut produire un seul acte corporel, un seul mouvement, sans en manifester les facultés créatrices.

L'homme est destiné à être le signe et l'expression parlante des facultés universelles du Principe suprême, dont il est émané ; comme tous les êtres particuliers sont, chacun dans leur classe, le signe visible du principe particulier qui leur a communiqué la vie. 


TABLEAU NATUREL DES RAPPORTS QUI EXISTENT ENTRE DIEU, L'HOMME ET L'UNIVERS 

L.C. de Saint-MARTIN – 1782 

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