Le processus d'individuation





L'individuation est la clé de voûte de l'œuvre jungienne. Elle traduit ce processus où l'on chemine vers le Soi. Il s'agit pour Jung d'établir une science empirique de l'âme. 


L’intégration de l’inconscient

Le conflit intérieur étant toujours à l'origine des transformations psychologiques d'un individu, la réintégration des contraires devient, dans l'oeuvre de Jung, son thème central. 

La conjonction véritable des mondes extérieur et intérieur est réalisée par l'union de l' esprit conscient avec l'inconscient collectif. On retrouve alors un élargissement du conscient. Pour ce faire, cependant, le moi doit se retirer en faveur de l'autorité du Soi. Le but vers lequel tend l'individuation porte sur l'intégration des contenus inconscients qui, du même coup, vise à l'unification de la personnalité.

L'individuation visant une réconciliation des contraires, dira-t-il dans les années 30, est la voie de la plénitude pour l'homme moderne qui, sans cesse, doit dépasser les conflits qui le déchirent intérieurement. Chacun d'entre nous s'individualise en se réconciliant avec la partie inconsciente de sa vie psychique.

« Le Soi est non seulement le centre, mais aussi la circonférence complète qui embrasse à la fois conscient et inconscient; il est le centre de cette totalité comme le moi est le centre de la conscience. » Carl Gustav Jung, Ma vie


Deux mots clés déterminent ce cheminement intérieur; interpréter et intégrer. On interprète d'abord les images qui jaillissent de l'inconscient pour ensuite les intégrer par un comportement approprié, tenant compte de ce que suggère l’inconscient.

« Je mis le plus grand soin à comprendre chaque image, chaque contenu, à l'ordonner rationnellement autant que faire se pouvait et surtout, à le réaliser dans la vie. Car c'est cela que l'on néglige le plus souvent. On laisse à la rigueur monter et émerger des images, on s'extasie peut-être à leurs propos mais le plus souvent, on en reste là. » C.G. Jung, Ma vie, p.224

Le thérapeute emprunte donc à l'Inde l'idée du Soi. Il définit ce concept comme ce qui oriente et donne sens au processus psychique. Nous croyons que ce vécu est typique de l'expérience mystique où l'on entre en contact avec quelque chose de plus grand que soi-même. 

Dans son autobiographie Ma vie, Jung exprime de façon transparente l'importance de son vécu et de cette poussée intérieure qui l'habite sa vie durant « Ma vie est l'histoire d'un inconscient qui a accompli sa réalisation». C.G. Jung, Ma vie,

Le Soi est le centre régulateur d'où émane tout le dynamisme de l'activité psychique. On le reconnaît dans toutes les religions avec la figure du mandala. Il représente le guide intérieur de l'homme. 

Le but de la vie consiste, pour le moi, à devenir de plus en plus docile aux messages du Soi. 

L'esprit conscient ne peut suivre indéfiniment ses impulsions propres. Le processus naturel de maturation psychique l'incite à coopérer davantage avec sa nature profonde. Le moi doit renoncer à ses fins pour se soumettre aux révélations de l'inconscient. Lorsque la conscience est trop influencée par des préjugés et des fantasmes de toutes sortes, la vie de l' individu devient plus ou moins artificielle. L'éloignement des instincts amène ce que Jung appelle, rappelons-le, le phénomène de dissociation névrotique. 

Le Soi offre ici la singularité d'être ce : «... centre mystérieux préexistant dans l'homme, en même temps qu'il représente un cosmos ». C.G. Jung, Mysterium conjunctionis

Le Soi crée le moi mais il a aussi besoin de ce dernier. En somme, la liberté de notre moi n'est bien sûr pas absolue, mais notre liberté souhaitée est de frayer un chemin au Soi. Assimilé, le Soi nous rend plus fort, plus serein et plus créatif. On se soustrait à la contrainte des conditionnements inconscients. Notre destin, déclare Jung dans son autobiographie, est donc l'intégration, c’est-à-dire la réalisation de l'autonomie de l'individu. « Le Soi est aussi le but de la vie, car il est l'expression la plus complète de ces combinaisons du destin que l'on appelle un individu. »  C.G. Jung, Ma vie 

Le but de l'individuation n'est pas le dépassement de soi-même mais le fait de devenir ce que l'on est.

La relation entre le moi et le Soi 

L'inconscient collectif, comme nous le verrons plus loin, est indépendant du moi.
Cependant, une interaction a lieu entre ces deux entités. Ainsi, Jung postule une
instance supérieure (le Soi), afin de rendre compte de la totalité du Moi et de
l'inconscient. L'objet de la psychologie jungienne sera l'expérience vivante de cette
totalité.

« … en tant que fonction de la conscience, la raison peut recevoir ces contenus, les élaborer, les discuter, les assimiler : c'est la position du moi, qui doit décider de l'adaptation à la réalité. Cette fonction est éminemment philosophique parce que c'est elle qui nous amène à comprendre plutôt que de simplement croire. » Raynald Valois, La question de Dieu chez C.G. Jung »

L'accès à la conscience du psychisme passe par le moi, selon Jung. Nous entrons en relation avec les contenus de l'inconscient grâce au moi. Ultimement, la coopération entre le moi et l'inconscient doit parvenir à son plus haut degré.

Le moi doit se soumettre à l'autorité du Soi. À travers des pertes et des deuils, les traditions de l'Orient parlent d'une mort nécessaire du pouvoir du moi. Dans la théorie analytique de Jung, il est plutôt question du sacrifice du moi, de ses buts et de ses valeurs afin d’adhérer à l’orientation du Soi.

Jung reconnaît progressivement le rôle capital du moi ou la responsabilité de l'individu qui est de créer de la conscience. Le Soi n'advient à la conscience que dans une coopération avec le moi. 

Le moi acquiert son autonomie en s'ouvrant à l'inconscient, sans toutefois trop lui céder. Il supporte le conflit des opposés sans se positionner pour un pôle ou l'autre. La solution au conflit est le fruit d'un dialogue qui tient compte du point de vue et de ce que propose l'inconscient. La relation du conscient et de l'inconscient est une dynamique dont les effets de l'un sur l'autre sont réciproques. 

Chaque entité en est modifiée. « L'inconscient ne fonctionne de façon satisfaisante que si le conscient remplit sa tâche jusqu'au bout ». Le Soi naîtra de cette conjonction des opposés. Ainsi, tout en conservant son autonomie, le moi est assimilé à une personnalité plus vaste, le Soi. 

Le but est d’entrer en dialogue et non de rester passif à ce que révèle l'inconscient, comme le cite Jung dans son  autobiographie « Finalement, c'est toujours le conscient qui reste décisif, le conscient qui doit comprendre les manifestations de l'inconscient, les apprécier et prendre position à leur endroit. » C.G. Jung, Ma vie

Le refus du moi d'obtempérer à l 'orientation du Soi entraîne ,la maladie psychique. 

Seule cette totalité plus vaste peut apporter un sens à l'existence. L'explication fondamentale de la dynamique psychique porte sur la relation du moi au Soi et cela occupera toutes les grandes œuvres de Jung à partir des années trente.

Faire Un en Soi

Dans un article sur la phénoménologie du Soi, Christine Maillard souligne que l'idée de l'Un, au fondement de toutes choses, que rapportent le platonisme et le néoplatonisme, est reprise par Jung à travers le concept du Soi.

Il nous parle d'une étrange force qui l'habite, d'une énergie supérieure en lui. 

Il définit le Soi comme une intuition, une voix intérieure, une poussée en lui-même qui échappe au contrôle conscient. 

Une pareille définition du Soi se rapproche aisément, pour notre part, des commentaires de bien des mystiques connus, autant en Orient qu'en Occident. 

Dans une perspective jungienne, se connaître soi-même signifie que l'on vise une compréhension empirique de sa propre nature humaine. On veut connaître l'individu dans sa totalité.

Le Soi est plutôt l'agent premier. C'est la circumbulatio, l'ego tournant autour du Soi. L'accomplissement d'un individu serait la réalisation du Soi en lui-même; Jung donne l'appellation « d'individuation », dans les années trente, à ce processus d'assimilation du Soi par la conscience. 

Ainsi, l'énergie psychique suppose une tension constante entre diverses forces d'opposition en nous-mêmes, telle l'autorégulation du conscient et de l'inconscient. Déjà, chez les Grecs, Héraclite se représentait le cosmos comme une lutte des contraires dans le monde de la nature. Les forces opposées de la nature, disait-il, sont à la fois antagonistes et complémentaires. 

L'harmonie des contraires maintient l'univers et lui permet de se tenir debout. 

Il affirme que la source de toutes choses est un principe d’opposition.

« L'expérience numineuse du processus d'individuation est, au niveau archaïque, l'affaire du chamane et du medecine-man, puis plus tard du médecin (dans le cadre de la médecine sacrée antique), du prophète et du prêtre, et enfin, au stade de la civilisation, celle de la philosophie et de la religion. 

Précisons encore ici ce que Jung 'entend par expérience religieuse : le Soi est la signification psychologique de l'idée de Dieu. C'est une réalité psychique, universelle ou collective qui dépasse le moi. C'est une réalité qui s'expérimente et en cela, elle est psychologiquement vraie. Le religieux se définit comme l'attitude de la conscience qui a été transformée par l'expérience du numineux, c’est-à-dire que la conscience s'est soumise au Soi : «... la transformation est un miracle qui ne peut s'accomplir sans l'aide de Dieu. »C.G. Jung, Mysterium conjunctionis.


D'après la thèse de 
LUC BEAUBIEN  

L'EXPÉRIENCE MYSTIQUE SELON C.G. JUNG 
La voie de l'individuation ou la réalisation du Soi 
Thèse présentée à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en philosophie pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.) 
F ACUL TÉ DE PHILOSOPHIE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 

2009 


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