Les Vers Dorés de Pythagore





Traduction des Vers Dorés de Pythagore par Fabre d'Olivet, publiés sous forme de feuilleton dans la revue Le Voile d’Isis, organe hebdomadaire du Groupe indépendant d'études ésotériques de Paris, dirigé par Papus.


PRÉPARATION

Rends aux Dieux immortels le culte consacré;
Garde ensuite ta foi (2) : Révère la mémoire
Des Héros bienfaiteurs, des Esprits demi-Dieux. (3).

PURIFICATION

Sois bon fils, frère juste, époux tendre et bon père (4).
Choisis pour ton ami, l'ami de la vertu;
Cède à ses doux conseils, instruis-toi par sa vie,
Et pour un tort léger ne le quitte jamais (5);
Si tu le peux du moins : car une loi sévère
Attache la Puissance à la Nécessité (6).
Il t'est donné pourtant de combattre et de vaincre
Tes folles passions : apprends à les dompter (7).
Sois sobre, actif et chaste; évite la colère.
En public, en secret ne te permets jamais
Rien de mal; et surtout respecte-toi toi-même (8).
Ne parle et n'agis point sans avoir réfléchi.
Sois juste (9). Souviens-toi qu'un pouvoir invincible
Ordonne de mourir (10); que les biens, les honneurs
Facilement acquis, sont faciles à perdre (11).
Et quant aux maux qu'entraîne avec soi le Destin,
Juge-les ce qu'ils sont : supporte-les; et tâche,
Autant que tu pourras, d'en adoucir les traits :
Les Dieux, aux plus cruels, n'ont pas livré les sages (12).
Comme la Vérité, l'Erreur a ses amants :
Le philosophe approuve, ou blâme avec prudence;
Et si l'Erreur triomphe, il s'éloigne; il attend (13).
Ecoute, et grave bien en ton coeur mes paroles :
Ferme l'oeil et l'oreille à la prévention;
Crains l'exemple d'autrui; pense d'après toi-même (14) :
Consulte, délibère, et choisis librement (15).
Laisse les foux agir et sans but et sans cause.
Tu dois dans le présent, contempler l'avenir (16).
Ce que tu ne sais pas, ne prétend point le faire.
Instruis-toi : tout s'accorde à la constance, au temps (17).
Veille sur ta santé (18) : dispense avec mesure,
Au corps les aliments, à l'esprit le repos (19).
Trop ou trop peu de soins sont à fuir; car l'envie,
A l'un et l'autre excès, s'attache également (20).
Le luxe et l'avarice ont des suites semblables.
Il faut choisir en tout, un milieu juste et bon (21).

PERFECTION

Que jamais le sommeil ne ferme ta paupière,
Sans t'être demandé : Qu'ai-je omis ? qu'ai-je fait ?(22).
Si c'est mal, abstiens-toi : si c'est bien, persévère (23).
Médite mes conseils; aime-les; suis-les tous :
Aux divines vertus ils sauront te conduire (24).
J'en jure par celui qui grava dans nos coeurs,
La Tétrade sacrée, immense et pur symbole,
Source de la Nature, et modèle des Dieux (25).
Mais qu'avant tout, ton âme, à son devoir fidèle,
Invoque avec ferveur ces Dieux, dont les secours
Peuvent seuls achever tes oeuvres commencées (26).
Instruit par eux, alors rien ne t'abusera :
Des êtres différents tu sonderas l'essence;
Tu connaîtras de Tout le principe et la fin (27).
Tu sauras, si le Ciel le veut, que la Nature,
Semblable en toute chose, est la même en tout lieu (28) :
En sorte qu'éclairé sur tes droits véritables,
Ton coeur de vains désirs ne se repaîtra plus (29).
Tu verras que les maux qui dévorent les hommes,
Sont le fruit de leur choix (30); et que ces malheureux
Cherchent loin d'eux-les biens dont ils portent la source (31).
Peu savent être heureux; jouets des passions,
Tour à tour ballotés par des vagues contraires,
Sur une mer sans rive, ils roulent, aveuglés,
Sans pouvoir résister ni céder à l'orage (32).
Dieu ! vous les sauveriez en désillant leurs yeux…(33).
Mais non : c'est aux humains, dont la race est divine,
A discerner l'Erreur, à voir la Vérité (34).
La Nature les sert (35). Toi qui l'as pénétrée,
Homme sage, homme heureux, respire dans le port.
Mais observe mes lois, en t'abstenant des choses
Que ton âme doit craindre, en les distinguant bien;
En laissant sur le corps régner l'intelligence (36) :
Afin que, t'élevant dans l'Ether radieux,
Au sein des Immortels, tu sois un Dieu toi-même ! (37)

3ème examen
PRÉPARATION
......................Révère la mémoire
Des Héros bienfaiteurs, des Esprits demi-Dieux.

PYTHAGORE considérait l'Univers comme un Tout animé dont les Intelligences divines, rangées chacune selon ses perfections dans sa sphère propre, étaient les membres. Ce fut lui qui désigna le premier ce Tout par le mot grec Kosmos (1), pour exprimer la beauté, l'ordre et la régularité qui y règnent. Les Latins traduisirent ce mot par Mundus, duquel nous avons fait le mot français Monde. C'est de l'Unité considérée comme principe du monde que dérive le nom d'Univers que nous lui donnons. 

(1) Le mot grec Kosmos exprime une chose mise en ordre, arrangée d'après un principe fixe et régulier.

La distinction des trois mondes et leur développement en un nombre plus ou moins grand de sphères concentriques, habitées par des Intelligences d'une pureté différente, étaient également connus avant Pythagore, qui ne faisait en cela que répandre la doctrine qu'il avait reçue à Tyr, à Memphis et à Babylone. Cette doctrine était celle des Indiens. On trouve encore aujourd'hui chez les Burmans la division de tous les êtres créés, établie en trois grandes classes, dont chacune contient un certain nombre d'espèces, depuis les êtres matériels jusqu'aux spirituels, depuis les sensibles jusqu'aux intelligibles. Les Brahmes, qui comptent quinze sphères dans l'Univers, paraissent réunir les trois mondes primordiaux aux douze sphères concentriques qui résultent de leur développement. 

Zoroastre qui admettait le dogme des trois mondes bornait le monde inférieur au tourbillon de la lune. Là finissait, selon lui, l'empire du mal et de la matière. Cette idée ainsi conçue a été générale; elle était celle de tous les philosophes anciens; et ce qui est très remarquable, c'est qu'elle a été adoptée par des théosophes chrétiens, qui certainement n'étaient point assez instruits pour agir par imitation. Les sectateurs de Basilide, ceux de Valentin et tous les gnostiques y ont puisé le système des émanations, qui a joui d'une grande célébrité dans l'école d'Alexandrie. D'après ce système, on concevait l'Unité absolue ou Dieu comme l'âme spirituelle de l'Univers, le principe de l'existence, la lumière des lumières; on croyait que cette Unité créatrice, inaccessible à l'entendement même, produisait par émanation une diffusion de lumière qui, procédant du centre à la circonférence, allait en perdant insensiblement de son éclat et de sa pureté, à mesure qu'elle s'éloignait de sa source, jusqu'aux confins des ténèbres dans lesquelles elle finissait par se confondre; en sorte que ses rayons divergents, devenant de moins en moins spirituels, et d'ailleurs repoussés par les ténèbres, se condensaient en se mêlant avec elles, et prenant une forme matérielle, formaient toutes les espèces d'êtres que le Monde renferme. Ainsi l'on admettait entre l'Être suprême et l'homme, une chaîne incalculable d'êtres intermédiaires, dont les perfections décroissaient en proportion de leur éloignement du Principe créateur. Tous les philosophes et tous les sectaires qui admirent cette hiérarchie spirituelle, envisagèrent sous des rapports qui leur étaient propres les êtres différents dont elle était composée. Les mages des Perses, qui y voyaient des génies plus ou moins parfaits, leur donnaient des noms relatifs à leurs perfections, et se servaient ensuite de ces noms mêmes pour les évoquer : de là vint la magie des Persans, que les Juifs ayant reçu par tradition, durant leur captivité à Babylone, appelèrent kabbale. Cette magie se mêla à l'astrologie parmi, les Chaldéens, qui considéraient les astres comme des êtres animés appartenant à la chaîne universelle des émanations divines; elle se lia en Egypte aux mystères de la Nature, et se renferma dans les sanctuaires, où les prêtres l'enseignaient sous l'écorce des symboles et des hiéroglyphes. 

Pythagore, en concevant cette hiérarchie spirituelle comme une progression géométrique, envisagea les êtres qui la composent sous des rapports harmoniques, et fonda par analogie les lois de l'Univers sur celles de la musique. Il appela harmonie le mouvement des sphères célestes, et se servit des nombres pour exprimer les facultés des êtres différents, leurs relations et leurs influences. Hiérocles fait mention d'un livre sacré attribué à ce philosophe, dans lequel il appelait la Divinité le Nombre des nombres. Platon qui considéra, quelques siècles après, ces mêmes êtres comme des idées et des types, cherchait à pénétrer leur nature, à se les soumettre par la dialectique et la force de la pensée. Synésius, qui réunissait la doctrine de Pythagore à celle de Platon, appelait tantôt Dieu le Nombre des nombres, et tantôt l'Idée des idées. Les gnostiques donnaient aux êtres intermédiaires le nom d'Eons. Ce nom, qui signifiait en égyptien un Principe de volonté, se développant par une faculté plastique, inhérente, s'est appliqué en grec à une durée infinie.

On trouve dans Hermès Trismégiste l'origine de ce changement de sens. Cet ancien sage remarque que les deux facultés, les deux vertus de Dieu, sont l'entendement et l'âme, et que les deux vertus de l'Éon sont la perpétuité et l'immortalité. L'essence de Dieu, dit-il encore, c'est le bon et le beau, la béatitude et la sagesse; l'essence de l'Éon, c'est d'être toujours le même. Mais, non contents d'assimiler les êtres de la hiérarchie céleste à des idées, à des nombres ou à des principes plastiques de volonté, il y eut des philosophes qui aimèrent mieux les désigner, par le nom de Verbes. Plutarque dit quelque part, que les verbes, les idées et les émanations divines résident dans le ciel et dans les astres. Philon donne en plus d'un endroit le nom de verbe aux anges; et Clément d'Alexandrie rapporte que les Valentiniens appelaient souvent ainsi leurs Éons. Selon Beausobre, les philosophes et les théologiens, cherchant des termes pour exprimer les substances incorporelles, les désignèrent par quelqu'un de leurs attributs ou par quelqu'une de leurs opérations, les nommant Esprits à cause de la subtilité de leur substance; Intelligences, à cause de la pensée; Verbes, à cause de la raison; Anges, à cause de leurs ministères; Éons, à cause de leur manière de subsister, toujours égale, sans changement et sans altération. Pythagore les appelait Dieux, Héros et Démons, relativement à leur élévation respective et à la position harmonique des trois mondes qu'ils habitaient. Ce ternaire cosmogonique, joint à l'Unité créatrice, constituait le fameux quaternaire ou la tétrade sacrée dont il sera question plus loin.

4ème examen
PURIFICATION
Sois bon fils, frère juste, époux tendre et bon père.

Le But de la doctrine de Pythagore était d'éclairer les hommes, de les purifier de leurs vices, de les délivrer de leurs erreurs, de les ramener aux vertus, à la vérité; et après les avoir fait passer par tous les degrés de l'entendement et de l'intelligence, de les rendre semblables aux Dieux immortels.

8ème examen
Sois sobre, actif et chaste; évite la colère.
En public, en secret, ne te permets jamais
Rien de mal; et surtout, respecte-toi toi-même.

Pythagore envisageait l'Homme sous trois modifications principales, comme l'Univers; et voilà pourquoi il donnait à l'homme le nom de microcosme ou de petit monde. Rien de plus commun chez les nations anciennes que de comparer l'Univers à un grand homme, et l'homme à un petit univers. L'Univers considéré comme un grand Tout animé, composé d'intelligence, d'âme et de corps, était appelé Pan au Phanès. L'homme, ou le microcosme était composé de même, mais d'une manière inverse, de corps, d'âme et d'intelligence; et chacune de ces trois parties était à son tour envisagée sous trois modifications, en sorte que le ternaire régnant dans le tout, régnait également dans la moindre de ses subdivisions. Chaque ternaire, depuis celui qui embrassait l'Immensité, jusqu'à celui qui constituait le plus faible individu, était, selon Pythagore, compris dans une Unité absolue ou relative, et formait ainsi, comme je l'ai déjà dit, le quaternaire ou la tétrade sacrée des pythagoriciens. 

Ainsi, selon cette doctrine, l'homme, considéré comme une unité relative contenue dans l'Unité absolue du grand Tout, s'offrait, comme le ternaire universel, sous les trois modifications principales de corps, d'âme et d'esprit ou d’intelligence.

L'âme, en tant que siège des passions, se présentait à son tour sous les trois facultés d'âme raisonnable, irascible ou appétante. Or, suivant Pythagore, le vice de la faculté appétante de l'âme, c'était, l'intempérance ou l'avarice; celui de la faculté irascible, c'était la lâcheté; et celui de la faculté raisonnable, c'était la folie. Le vice qui s'étendait sur ces trois facultés, c'était l'injustice.

Pour éviter ces vices, le philosophe recommandait quatre vertus principales à ses disciples, la tempérance pour la faculté appétante, le courage pour la faculté irascible, la prudence pour la faculté raisonnable, et pour ces trois facultés ensemble, la justice, qu'il regardait comme la plus parfaite des vertus de l’âme. Je dis de l'âme, car le corps et l'intelligence se développant également au moyen de trois facultés instinctives ou spirituelles, étaient, ainsi que l'âme, susceptibles de vices et de vertus qui leur étaient propres.

12ème examen
Et quant aux maux qu'entraîne avec soi le Destin,
Juge-les ce qu'ils sont; supporte-les; et tâche,
Autant que tu pourras, d'en adoucir les traits :
Les Dieux, aux plus cruels, n'ont pas livré les sages.

J'ai dit que Pythagore admettait deux mobiles des actions humaines, la puissance de la Volonté, et la nécessité du Destin, et qu'il les soumettait l'un et l'autre à une loi fondamentale appelée la Providence, de laquelle ils émanaient également. Le premier de ces mobiles était libre, et le second contraint : en sorte que l'homme se trouvait placé entre deux natures opposées, mais non pas contraires, indifféremment bonnes ou mauvaises, suivant l'usage qu'il savait en faire. La puissance de la volonté s'exerçait sur les choses à faire ou sur l'avenir; la nécessité du destin, sur les choses faites ou sur le passé; et l'une alimentait sans cesse l'autre, en travaillant sur les matériaux qu'elles se fournissaient réciproquement : car, selon cet admirable philosophe, c'est du passé que naît l'avenir, de l'avenir que se forme le passé, et de la réunion de l'un et de l'autre que s'engendre le présent toujours existant, duquel ils tirent également leur origine : idée très-profonde, que les stoïciens avaient adoptée. Ainsi, d'après cette doctrine, la liberté règne dans l'avenir, la nécessité dans le passé, et la providence sur le présent. Rien de ce qui existe n'arrive par hasard, mais par l'union de la loi fondamentale et providentielle avec la volonté humaine qui la suit ou la transgresse, en opérant sur la nécessité. L'accord de la volonté et de la providence constitue le Bien; le Mal naît de leur opposition.

L'homme a reçu, pour se conduire dans la carrière qu'il doit parcourir sur la terre, trois forces appropriées à chacune des trois modifications de son être, et toutes trois enchaînées à sa volonté. 
La première, attachée au corps, est l'instinct; 
la seconde, dévouée à l'âme, est la vertu; 
la troisième, appartenant à l'intelligence, est la science ou la sagesse. 

Ces trois forces, indifférentes par elles-mêmes, ne prennent ce nom que par le bon usage que la volonté en fait; car, dans le mauvais usage, elles dégénèrent en abrutissement, en vice et en ignorance. 
L'instinct perçoit le bien ou le mal physique résultant de la sensation; 
la vertu connaît le bien et le mal moraux existants dans le sentiment; 
la science juge le bien ou le mal intelligibles qui naissent de l'assentiment. 

Dans la sensation, le bien et le mal s'appellent plaisir ou douleur; 
dans le sentiment, amour ou haine;
dans l'assentiment, vérité ou erreur. 

La sensation, le sentiment et l'assentiment, résidant dans le corps, dans l'âme et dans l'esprit, forment un ternaire qui, se développant à la faveur d'une unité relative, constitue le quaternaire humain, ou l'Homme considéré abstractivement. Les trois affections qui composent ce ternaire agissent et réagissent les unes sur les autres, et s'éclairent ou s'obscurcissent mutuellement, et l'unité qui les lie, c'est-à-dire l'Homme, se perfectionne ou se déprave, selon quelle tend à se confondre avec l'Unité universelle, ou de s'en distinguer. Le moyen qu'elle a de s'y confondre, ou de s'en distinguer, de s'en rapprocher ou de s'en éloigner, réside tout entier dans sa volonté, qui, par l'usage qu'elle fait des instruments que lui fournit le corps, l'âme et l'esprit, s'instinctifie ou s'abrutit, se rend vertueuse ou vicieuse, sage ou ignorante, et se met en état de percevoir avec plus ou moins d'énergie, de connaître et de juger avec plus ou moins de rectitude ce qu’il y a de bon, de beau et de juste dans la sensation, le sentiment ou l'assentiment; de distinguer avec plus ou moins de force et de lumières le bien et le mal; et de ne point se tromper enfin dans ce qui est réellement plaisir ou douleur, amour ou haine, vérité ou erreur.

L'Homme, tel que je viens de le dépeindre, d'après l'idée que Pythagore en avait conçue, placé sous la domination de la Providence, entre le passé et l'avenir, doué d'une volonté libre par son essence, et se portant à la vertu ou au vice de son propre mouvement, l'Homme, dis-je, doit connaître la source des malheurs qu'il éprouve nécessairement; et loin d'en accuser cette même Providence qui dispense les biens et les maux à chacun selon son mérite et ses actions antérieures, ne s'en prendre qu'à lui-même, s'il souffre par une suite inévitable de ses fautes passées. Car Pythagore admettait plusieurs existences successives, et soutenait que le présent qui nous frappe, et l'avenir qui nous menace, ne sont que l'expression du passé, qui a été notre ouvrage dans des temps antérieurs. Il disait que la plupart des hommes perdent, en revenant à la vie, le souvenir de ces existences passées; mais que, pour lui, il devait à une faveur particulière des Dieux d'en conserver la mémoire. Ainsi, suivant sa doctrine, cette Nécessité fatale dont l'homme ne cesse de se plaindre, c'est lui-même qui l'a créée par l'emploi de sa volonté; il parcourt, à mesure qu'il avance dans le temps, la route qu'il s'est déjà tracée à lui-même; et, suivant qu'il la modifie en bien ou en mal, qu'il y sème, pour ainsi dire, ses vertus ou ses vices, il la retrouvera plus douce ou plus pénible, lorsque le temps sera venu de la parcourir de nouveau.

13ème examen
Comme la Vérité, l'Erreur a ses amans :
Le philosophe approuve ou blâme avec prudence;
Et si l'Erreur triomphe, il s'éloigne, il attend.

On sait assez que Pythagore est le premier qui ait employé le mot de Philosophe, pour désigner un ami de la sagesse. Avant lui, un se servait du mot Sophos, Sage.

16ème examen
Laisse les fous agir et sans but et sans cause.
Tu dois, dans le présent, contempler l'avenir.

C'est à dire, tu dois considérer quels seront les résultats de telle ou telle action, et songer que ces résultats sont dépendants de ta volonté, tandis que l'action demeure en suspens, et libres tandis qu'ils sont encore à naître, deviendront le domaine de la Nécessité à l'instant où l'action sera exécutée, et croissant dans le passé, une fois qu'ils auront pris naissance, concourront à former le canevas d'un nouvel avenir.

Remarquons bien ceci. L'avenir se compose du passé : c'est-à-dire, que la route que l'homme parcourt dans le temps, et qu'il modifie au moyen de la puissance libre de sa volonté, il l'a déjà parcourue et modifiée; de la même manière, pour me servir d'une image sensible, que la terre décrivant son orbite annuelle autour du soleil, selon le système moderne, parcourt les mêmes espaces, et voit se déployer autour d'elle à peu près les mêmes aspects : en sorte que, suivant de nouveau une route qu'il s'est tracée, l'homme pourrait, non seulement y reconnaître l'empreinte de ses pas, mais prévoir d'avance les objets qu'il va y rencontrer, puisqu'il les a déjà vus, si sa mémoire en conservait l'image, et si cette image n'était point effacée par une suite nécessaire de sa nature et des lois providentielles qui le régissent. 

Le principe par lequel on posait que l'avenir n'est qu'un retour du passé, ne suffisait donc pas pour en connaître même le canevas; on avait besoin d'un second principe, et ce principe annoncé ouvertement dans les Vers dorés, ainsi que nous le verrons plus loin, était celui par lequel on établissait que la Nature est semblable partout, et par conséquent, que son action étant uniforme dans la plus petite sphère comme dans la plus grande, dans la plus haute comme dans la plus basse, on peut inférer de l'une à l'autre, et prononcer par analogie. Ce principe découlait du dogme antique sur l'animation de l'Univers, tant en général qu'en particulier : dogme consacré chez toutes les Nations, et d'après lequel on enseignait que non seulement le Grand Tout, mais les Mondes innombrables qui en sont comme les membres, les Cieux et le Ciel des Cieux, les Astres et tous les Êtres qui les peuplent, jusqu'aux plantes mêmes et aux métaux, sont pénétrés par la même âme et mus par le même Esprit.

23ème examen
Si c'est mal, abstiens-toi; si c'est bien, persévère.

Platon, qui suivait en tout la métaphysique de ce grand génie, distinguait dans l'homme comme dans l'Univers, le corps, l'âme et l'esprit; et plaçait dans chacune des modifications de l'unité particulière ou universelle qui les constituaient, des facultés analogues qui, se développant à leur tour, donnaient naissance à trois modifications nouvelles dont elles devenaient l'unité productrice; en sorte que chaque ternaire se présentait dans son développement, sous l'image d'un triple ternaire, et formait par sa réunion à l'unité, d'abord le quaternaire et ensuite la décade.

24ème examen
Médite mes conseils; aime-les; suis-les tous :
Aux divines vertus ils sauront te conduire.

Le nombre trois était regardé par les anciens comme le principe de la nature, et le nombre sept comme sa fin. Les degrés, principaux de l'initiation étaient au nombre de trois, comme sont encore aujourd'hui les grades d'apprenti, de compagnon et de maître dans la franc-maçonnerie.

25ème examen
J'en jure par celui qui grava dans nos coeurs
La Tétrade sacrée, immense et pur symbole,
Source de la Nature, et modèle des Dieux.


La langue des nombres, dont ce philosophe faisait usage, à l'exemple des anciens sages, est aujourd'hui entièrement perdue.

Je tâcherai un jour, si je trouve le temps et les facilités nécessaires, de donner les vrais éléments de la science arithmologique de Pythagore, et je ferai voir que cette science était pour les choses intelligibles, ce que l'algèbre est devenu parmi nous pour les choses physiques; mais je ne pourrai le faire qu'après avoir exposé quels sont les vrais principes de la musique; car autrement je courrais risque de n'être pas entendu.

Ces quatre nombres qui, réunis par l'addition, produisent le nombre 10, constituaient l'Etre, tant universel que particulier;

Les trois facultés qui, comme je l'ai dit, distinguent chacune des trois modifications humaines, sont la sensibilité pour le corps, le sentiment pour l'âme, l'assentiment pour l'esprit.

27ème examen
Instruit par eux, alors rien ne t'abusera :
Des êtres différents tu sonderas l'essence;
Tu connaîtras de Tout le principe et la fin.

C'est-à-Dire que le vrai disciple de Pythagore, mis en rapport avec les Dieux par la contemplation, arrivait à ce haut degré de perfection, appelé autopsie, dans les mystères; voyait tomber devant lui le voile mensonger qui jusqu'alors lui avait caché la Vérité, et contemplait la Nature dans ses sources les plus éloignées. Il fallait pour arriver à ce degré sublime, que l'intelligence pénétrée par le rayon divin de l'inspiration, remplît l'entendement d'une lumière assez vive pour dissiper toutes les illusions des sens, exalter l'âme et la dégager entièrement de la matière. 

Le grand but des mystères, était d'apprendre aux initiés la possibilité de cette réunion de l'homme avec Dieu, et de leur en indiquer les moyens. Toutes les initiations, toutes les doctrines mythologiques, ne tendaient qu'à alléger l'âme du poids de la matière, à l'épurer, à l'éclairer par l'irradiation de l'intelligence, afin que, désireuse des biens spirituels, et s'élançant hors du cercle des générations, elle put s'élever jusqu'à la source de son existence.

La connaissance de l'Être des êtres a été offerte partout comme le terme de la sagesse; sa ressemblance, comme le comble de la perfection.

28ème examen
Tu sauras, si le Ciel le veut, que la Nature,
Semblable en toute chose, est la même en tout lieu.

J'ai déjà dit que l'homogénéité de la Nature était avec l'unité de Dieu un des plus grands secrets des mystères. Pythagore fondait cette homogénéité sur l'unité de l'esprit dont elle est pénétrée, et dont, selon lui, toutes nos âmes tirent leur origine. Ce dogme, qu'il avait reçu des Chaldéens et des prêtres d'Egypte, était admis par tous les sages de l'antiquité, ainsi que le prouvent fort au long Stanley et le judicieux Beausobre.

Ces sages établissaient une harmonie, une analogie parfaite entre le ciel et la terre, l'intelligible et le sensible, la substance indivisible et la substance divisible; de manière, que ce qui se passait dans une des régions de l'Univers ou des modifications du ternaire primordial, était l'image exacte de ce qui se passait dans l'autre. On trouve cette idée, exposée avec beaucoup de force, par l'antique Thôth, appelé Hermès Trismégiste, par les Grecs, dans la table d'Emeraude qui lui est attribuée. "En vérité, et sans fiction, en vérité, en vérité, je vous le dis : les choses inférieures sont telles que les supérieures; les unes et les autres unissent leurs forces invincibles pour produire une seule chose, la plus merveilleuse de toutes; et comme toutes les choses sont émanées de la volonté d'un Dieu unique, ainsi toutes les choses quelconques doivent se générer de cette seule chose, par une disposition de la nature universelle".

Au reste, je dois dire que c'est sur l'homogénéité de la Nature, que se fondaient en principes toutes les sciences appelées occultes, dont les quatre principales, se rapportant au quaternaire humain, étaient la Théurgie, l'Astrologie, la Magie et la Chimie.

29ème examen
En sorte qu'éclairé sur tes droits véritables,
Ton coeur de vains désirs ne se repaîtra plus.

C'est-à-dire que le disciple de Pythagore, parvenu par la connaissance de soi-même jusqu'à celle de la vérité, doit juger sainement de la possibilité ou de l'impossibilité des choses, et trouver dans la sagesse même, ce juste milieu qu'il a trouvé dans la vertu et dans la science. Egalement éloigné de cette aveugle crédulité qui admet et recherche sans réflexion les choses les plus incompatibles avec les lois de la Nature, et de cette présomptueuse ignorance qui rejette et nie sans examen, toutes celles qui sortent du cercle étroit de ses notions empiriques; il doit connaître avec exactitude les bornes et les forces de la Nature, savoir à l'instant ce qui s'y renferme ou ce qui les excède, et ne former aucun voeu, aucun projet, aucune entreprise, au-dessus de sa puissance.

30ème examen
Tu verras que les maux qui dévorent les hommes,
Sont le fruit de leur choix…

Une des choses qu'il importe le plus sans doute à l'homme de connaître, c'est la cause prochaine de ses maux, afin que, cessant de murmurer contre la Providence, il ne s'en prenne qu'à lui-même des malheurs dont il est le propre artisan. Toujours présomptueuse et faible, l'ignorance se dissimulant ses propres fautes, rend responsables de leurs suites les choses qui y sont les plus étrangères : ainsi l'enfant qui s'est blessé lui-même, menace de la voix et frappe de la main, la muraille contre laquelle il s'est heurté. De toutes les erreurs celle-ci est la plus commune. On avoue aussi difficilement ses torts, qu'on en accuse facilement les autres. Cette funeste, habitude d'imputer à la Providence les maux qui affligent l'humanité, a fourni, comme nous l'avons vu, les plus forts arguments aux sceptiques pour attaquer son influence, et saper ainsi dans ses fondements, l'existence même de la Divinité.

31ème examen
......... et que ces malheureux
Cherchent loin d'eux les biens dont ils portent la source.

La source de tous les biens, est la sagesse, et la sagesse commence par la connaissance de soi-même. Sans cette connaissance, c'est en vain que l'on prétend aux véritables biens. Mais comment y parvenir ? Si vous interrogez Platon sur ce point important, il vous répondra que c'est en remontant à l'essence des choses; c'est-à-dire, en considérant ce qui constitue l'homme en lui-même. "Un ouvrier, vous dira ce philosophe, n'est pas la même chose que l'instrument dont il se sert; un joueur de lyre diffère de la lyre dont il joue ?"Vous en conviendrez facilement; et le philosophe poursuivant son.raisonnement, ajoutera : "Et les yeux avec lesquels ce musicien lit sa musique, et les mains avec lesquelles il tient sa lyre ne sont-ce pas aussi des instruments ? Pouvez-vous nier, si les yeux, si les mains sont des instruments, que le corps tout entier ne soit également un instrument, différent de l'être qui s'en sert, et qui lui commande ?" Non, sans doute, et vous comprendrez assez que cet être par lequel l'homme est véritablement homme, est l'âme dont vous devez chercher la connaissance. "Car, vous dira encore Platon, celui qui connaît son corps ne connaît que ce qui est à lui, et non pas lui. Connaître son corps comme un médecin, ou comme un sculpteur, c'est un art : connaître son âme, comme un sage, c'est une science, la plus grande de toutes les sciences.

De la connaissance de soi-même, l'homme passe à celle de Dieu; et c'est en fixant ce modèle de toute perfection qu'il parvient à se délivrer des maux qu'il s'est attirés par son propre choix. Sa délivrance dépend, selon Pythagore, de la vertu et de la vérité. La vertu qu'il acquiert car la purification, tempère et dirige les passions; la vérité, où il arrive par son union avec l'Être des êtres, dissipe les ténèbres dont son intelligence est obsédée; et l'une et l'autre, agissant de concert en lui, lui donnent la forme divine selon qu'il est disposé à la recevoir, et le conduisent à la suprême félicité. Mais combien il est difficile d'atteindre à ce but désiré !

37ème examen
Afin que, t'élevant dans l'Ether radieux,
Au sein des Immortels, tu sois un Dieu toi-même !

Cette déification était, selon Pythagore, l'ouvrage de l'amour divin; elle était réservée à celui qui avait acquis la vérité par ses facultés intellectuelles, la vertu par ses facultés animiques, et la pureté par ses facultés instinctives.

Au reste, Pythagore croyait qu'il existe des biens célestes proportionnés à chaque degré de vertu, et qu'il est pour les âmes des rangs différents suivant le corps lumineux dont elles sont revêtues. Le suprême bonheur n'appartient, selon lui, qu'à celle qui a su se recouvrer elle-même par son union intime avec l'intelligence, et dont l'essence, changeant de nature, est devenue entièrement spirituelle. Il faut qu'elle soit élevée à la connaissance des vérités universelles, et qu'elle ait trouvé, autant qu'il est en elle, le Principe et la fin de toutes choses. Alors parvenue à ce haut degré de perfection, attirée dans cette immuable région dont l'élément éthéré n'est plus assujetti au mouvement descendant de la génération, elle peut se réunir, par ses, connaissances, au Tout universel, et réfléchir dans tout son être la lumière ineffable dont l'Être des êtres, Dieu lui-même, remplit incessamment l'Immensité.

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