Les archétypes en psychologie


L’image de Dieu

Lorsque Jung affirme que -l'on ne peut rien savoir métaphysiquement, il exprime, pensons-nous, le point de vue selon lequel on ne peut rien savoir par raisonnement, preuve ou analyse. Cependant, par intuition, émotion, imagination ou encore par un vécu comme son expérience mystique à la fin de sa vie, l'ouverture à une pareille dimension est possible. 

Ainsi Dieu, pour Jung, est de l'ordre d'une représentation psychique. C'est ce que nous pouvons en dire sur le plan psychologique. Il est simplement pensable par le biais des images archétypales mais comme tel, il est inaccessible. -Pourtant, Jung -semble le voir comme accessible en partie, puisqu'il décide qu'il est le mal tout autant que le bien. 
L'archétype de Dieu existe et l'image archétypale, c'est-à-dire ses différentes représentations -à travers le temps et la diversité des cultures sont des données psychiques, écrit-il entre 1956 :

« Un archétypes - dans la mesure où il est possible d'en constater empiriquement l'existence est une imago. Une imago, c'est, comme la notion même l'indique, une image de quelque chose [... ] On trouve de Dieu des images innombrables, mais l'original, lui, est introuvable. Il est pour moi hors de doute que derrière nos images se cache l'original, mais il nous est inaccessible. » C.G. Jung, La vie symbolique

Ainsi, on remarque combien l'influence de la tradition kantienne est déterminante dans l'œuvre de ce pionnier de la psychanalyse. 

La théorie des archétypes n'est-elle pas l'analogie d'un monde nouménal à l'arrière-plan du monde phénoménal. 

Dès 1912, Jung conçoit sa psychologie des profondeurs comme une science empirique de l'âme. Le psychisme dispose de formes générales a priori de la représentation. Le fait de ne prendre appui que sur le psychisme n'entraîne-t-il pas un subjectivisme radical ? Jung s'en défend et maintient l'empirisme de sa méthode en explicitant la notion d'expérience comme étant universalisable. Celle-ci doit .pouvoir se répéter chez tous les humains. Il cherche des constantes à travers les phénomènes psychiques. Rappelons-nous que dès son initiation au mystérieux monde de l'inconscient, Jung recherche des analogies symboliques afin de sortir de l'isolement. Il découvre l'alchimie occidentale qui le rattache enfin à une tradition, à l'histoire et donc à du collectif.

L'inné et l'acquis 

Au début de ses recherches sur le fondement de l'archétypes, soit en 1912, Jung s'interroge sur le statut de l'archétypes. Est-il inné ou acquis ? Il croit d'abord en la formation d'images mythiques transmises de génération en génération par des processus héréditaires. Les représentations collectives seraient alors innées. 

L'érudition de Jung lui est nécessaire pour appuyer sa théorie des archétypes puisque,' pour la démontrer, il faut étudier presque toutes les sociétés humaines et toutes les religions. Cependant, sans y avoir recours, pensons-nous, on n'a qu'à fouiller la littérature, les histoires de tous genres depuis le début des temps, pour s'apercevoir qu'il n' y a qu'une famille humaine et que nous avons tous, les mêmes instincts, les mêmes désirs et les mêmes rêves. L'unité du genre humain est admise chez plusieurs mais Jung l'envisage certainement d'une manière plus structurée.

« Il ne s'agit pas de représentations héritées, mais d'une disposition innée à former des représentations analogues, c'est-à-dire des structures universelles identiques de la psyché que j'ai plus tard appelées: inconscient collectif. J'ai appelé archétypes ces structures. Elles correspondent au concept biologique de pattern of behaviour. » C.G. Jung, « L'inconscient collectif ».

«  … à l'intérieur des limites de l'expérience psychique l'inconscient collectif prend la place du royaume platonique des idées éternelles. À la place de ces modèles qui donnent forme à des choses créées, l'inconscient collectif, à travers ses archétypes, constitue la condition apriori pour l'assignation de sens.  C.G. Jung,  L'inconscient collectif

Jung et le béhaviorisme 
Le courant de pensée béhavioriste selon lequel l'enfant arrive au monde tabula rasa est somme toute bien éloignée de la psychologie de Jung. L'homme apprend effectivement par le contact et l'influence du monde extérieur, mais on ne peut réduire son apprentissage qu'à cela. Bien des aptitudes sont encodées en nous dès la naissance. C'est ce que Jung qualifie d' « héritage archétypique » comme nous l'avons vu précédemment. Le cycle de la vie humaine, comme le souligne l'analyste jungien Anthony Stevens, est d'ordre archétypal comme avoir une mère, un père, s'adapter à son milieu, traverser les difficultés de l'adolescence, accéder au monde adulte, trouver sa place dans la société, assumer différentes responsabilités, vieillir et enfin se préparer à sa mort. 

Lorsque le milieu est carencé et ne peut offrir l'appui nécessaire pour répondre à une visée archétypale, le développement de l'individu en sera affecté, ces phases typiques de la croissance étant gravées dans notre constitution psychique, selon Jung. On y retrouve les grandes phases de la vie exprimées symboliquement. 

Il constate simplement que des contenus communs font partie de l'imaginaire humain. Ces phénomènes psychiques, bien sûr, s'observent dans nos rêves et ils sont aussi projetés ou représentés dans des motifs mythologiques typiques que l'on retrouve dans la psychologie des religions. Afin d'identifier ces formes mythologiques, Jung parle d'abord, en 1917, de « dominantes de l'inconscient collectif » et ensuite « d'archétypess » en 1919.

Le platonisme et le néoplatonisme traitent aussi de la connaissance des choses divines et humaines. La philosophie est une quête de la sagesse ou de la vérité de l'être. Platon évoque à plusieurs .reprises que le véritable philosophe doit subir une métamorphose de l'âme (psyches periagage) rompant alors avec l'opinion commune pour retrouver sa véritable nature.

Les formes géométriques du Mandala

Pour sa part, Jung nous parle d'un archétypes représentant la divinité qu'il découvre par l'exercice de l'imagination active, c'est-à-dire à travers le dessin libre, spontané, sans but aucun. Il appelle mandala cette représentation psychique. C'est une forme circulaire que l'on retrouve un peu partout et qu'il identifie . à des représentations du Soi. Ce symbole est très important pour Jung comme il le dit à la fin de sa vie : « Je savais que j'avais atteint, avec le mandala comme expression , du Soi, la découverte ultime à laquelle il me serait donné de parvenir. Un autre en saura peut-être davantage, mais pas moi ».

En somme, Jung s'intéresse, avec une méthode rigoureuse, à l'étude de ces formes circulaires. Le mandala  est pour lui un phénomène psychologique, c'est-à-dire 

une  forme universelle que produit l'inconscient collectif à toutes les époques et dans toutes les civilisations. 

Le sens de ce symbole est l'équilibre de l'individu. À certains moments, l'unité de la conscience est menacée par  la dissociation ou la, désunion des forces conflictuelles en nous-même, provenant, écrit Jung en 1951 au sujet du mandala : 

« …du conflit entre le conscient et l'inconscient et de la confusion qui en résulte. Empiriquement, cette confusion a la forme d'une instabilité et d'une désorientation. Le symbolisme du cercle et de la quaternité apparaît à ce point comme un principe compensatoire d'ordre, qui peint l'union des opposés en conflit comme si elle était déjà accompli et facilite ainsi le chemin vers un état plus sain et plus apaisé. Actuellement, la psychologie ne peut pas établir plus que ceci : les symboles de totalité signifient la totalité de l'individu. Par ailleurs, il faut non seulement avouer, mais encore mettre en évidence le fait que ce symbolisme utilise des images et des schèmes qui ont toujours, dans toutes les religions, exprimé le Fondement universel, la Déité elle-même. » C.G. Jung, Aïon,

Dans les temples bouddhistes, on remarque que le bouddha est représenté par une roue à douze rayons. Du côté de notre tradition, on retrouve le Christ au centre d'un mandala, entouré des symboles des quatre évangélistes. Jung observe ce symbole à peu près dans toutes les cultures. 

Le cercle et la sphère

Avec la philosophie grecque de la nature, lorsque la pensée scientifique prend naissance, une nouvelle image du divin apparaît avec des représentations sphériques. Plutôt que les divinités personnifiées du panthéon grec, l'image de Dieu, selon Marie-Louise Von Franz, sera maintenant projetée sur l'idée d'un fondement ultime et commun à tous les êtres. Ce fondement est toujours représenté par une forme circulaire ou sphérique. À notre connaissance, les Égyptiens ne font pas mention exagérément de ce symbole. Ils vénèrent le Dieu soleil, sans plus. L'érudit Jung nous rapporte cependant dans son Commentaire sur le Mystère de la Fleur d'Or que l'Égypte ancienne représente le Dieu solaire Horus au centre d'une figure circulaire entouré de ses quatre fils. Concernant les Amérindiens, certes, le cercle est un symbole bien présent. On parle d'une sphère intelligible dont le centre est partout et la circonférence nulle part. Cependant, cela fait davantage référence à l'unité inséparable entre la chaîne des êtres qu'au divin. 

Chez Platon et Plotin, le cosmos est perçu comme une sphère parfaite. Le mouvement de l'âme et l'esprit est, pour eux, circulaire. L'un est le centre et l'âme du monde est l'enveloppe sphérique. 

La divinité est à la fois ce qui est au centre et ce qui embrasse tout. 

Eckhart, De Cues, Boehme et Bruno ont aussi utilisé ces images primordiales pour représenter le cosmos, l'âme du monde ou encore la divinité. 

Enfin, cette fameuse sentence souvent présente dans la mystique chrétienne n'est-elle pas ce qui correspond le mieux à la façon dont Jung se représente le divin : « Dieu est une sphère spirituelle dont le centre est partout et la circonférence nulle part ».

« Le mandala ne décrit pas seulement Dieu comme un cercle dont le centre est partout et la circonférence nulle part (selon l'allégorie de Bonaventure), mais il définit aussi le centre comme un point-milieu entre les opposés. Une telle image met l'accent sur la nature binaire de la réalité. Si la réalité est faite de contraires, en effet, tout investissement existentiel ou énergétique dans l'un ou l'autre de ces opposés conduit à l'unilatéralité, ce qui, en termes psychologiques, équivaut toujours à la névrose. » John P. Dourley, La maladie du christianisme


D'après la thèse de 
LUC BEAUBIEN  

L'EXPÉRIENCE MYSTIQUE SELON C.G. JUNG 
La voie de l'individuation ou la réalisation du Soi 
Thèse présentée à la Faculté des études supérieures de l'Université Laval dans le cadre du programme de doctorat en philosophie pour l'obtention du grade de Philosophiae Doctor (Ph.D.) 
F ACUL TÉ DE PHILOSOPHIE UNIVERSITÉ LAVAL QUÉBEC 

2009 

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