De la signature des choses


La Divinité ne s’est servie que d’un seul caractère pour donner à chacune des créatures son signe, sa figure et sa forme, de manière qu’elles apparaissent comme autant de miracles du Mystère céleste ou terrestre. Sédir dans l’avant-propos 1894

Chapitre premier :
Ce que l’on dit de Dieu sans la connaissance
de la signature est muet et insignifiant;
dans le composé humain se trouve la signature
selon l’être de tous les êtres

Sommaire :
La signature — Les trois formes de la Nature — Les trois principes

1. — Toute parole, tout écrit et tout enseignement sur Dieu est sans valeur si la connaissance de la signature n’y est point renfermée : car cela ne vient alors que de l’histoire et de l’ouï-dire en qui l’Esprit est muet; mais si l’Esprit dévoile la signature, on entend alors et on comprend comment l’Esprit s’est manifesté hors de l’Essence, par le principe, dans le son et avec la voix (1).

(1) Chaque fois qu’un livre initiatique parle de son et de voix, il s’agit là du Fils du Dieu vivant.
Ainsi le quinaire : Principe, Essence, Esprit, Son, Voix, est correspondant à l’échelle exotérique
des Tatvas de la Yoga; en Occident, le Verbe prend la forme de l’Agneau; en Orient, il prend
celle du Taureau; voir le mythe de Shiva, qui est Ishouara ou le Grand Dieu, Mahadeva. Cf. à
ce sujet l’Alphabet pentagrammatique de la Géométrie qualitative.

2. — Car encore que j’entende parler, enseigner, prêcher, encore que je lise, je ne comprends complètement et ne m’assimile ces discours et ces lectures que si leur Esprit, sortant de leur signature formelle, entre en la mienne et s’y imprime; j’ai alors une base solide, visuelle ou auditive : quand on a le battant, on peut sonner la cloche (1).

(1) Un principe, c’est le Père incognoscible à l’état latent, c’est le commencement du monde.
L’Essence est la mère de l’ipséité, c’est comme un miroir, le premier où se reflète le Feu principe,
la racine de la vie d’une chose.
On appelle Esprit tout mouvement de va-et-vient empruntant ses qualités à la nature de ses
deux termes.
Le Son est un esprit congelé; c’est ce qu’on appelle, dans une certaine école, la queue du
dragon.
Et enfin la Voix est un son individualisé.
Voir dans le Sankhya et dans le Mimansa une théorie des impressions sensorielles

3— Ainsi, l’on voit que toutes les facultés humaines viennent d’une seule Racine et mère unique : si cela n’était, un homme ne saurait comprendre le verbe d’un autre.

4. — Car c’est par la parole qu’une forme en éveille une autre, selon leur principe particulier . On s’entend en donnant à l’esprit une forme au moyen de laquelle il peut entrer en d’autres hommes et réveiller chez eux les formes de signature semblable; les deux mouvements inqualifient alors l’un dans l’autre, et alors il n’y a plus qu’une compréhension, une Volonté, un Esprit et un Entendement.

5. — Secondement, nous disons que la signature ou forme n’est point l’Esprit, mais le corps de l’Esprit de même qu’une viole qui, si on ne la touche et ne la fait point vibrer, ne laissera entendre aucun son; la Nature formelle ou signature n’est qu’une Essence muette, viole accordée avec justesse, qui, sous les doigts habiles de l’Esprit de la volonté, rendra des harmonies merveilleuses, selon la propriété des cordes émues.

6. — En l’âme humaine gît la signature, selon l’Essence des Essences; il ne manque à l’homme que l’Artiste industrieux qui doit lui faire rendre les mélodies exquises : le véritable Esprit de la très haute Puissance éternelle; et quand il se lève en l’homme, et qu’il l’émeut au centre (1) , alors il touche l’instrument (2) de la forme humaine : et la forme sort de la bouche avec la parole (3). L’homme interne se manifeste dans le ton de la parole, c’est ainsi que l’âme prend naturellement conscience de soi-même.

(1) Le centre d’une chose, c’est son fond le plus intérieur, le milieu, le coeur; c’est l’Esprit de la
chose, c’est le lieu de la pierre des sages.
(2) L’instrument, c’est ici les facultés de conscience et d’expression.
(3) Il s’agit ici de la parole vivante d’un homme régénéré.

7. — L’homme a effectivement en lui toutes les formes des trois mondespuisqu’il est une image entière de Dieu ou de l’Essence des essences; c’est pendant sa gestation qu’il est ordonnancé; il y a en lui trois architectes (1), qui sont le triple fiat des trois mondes et qui luttent pour posséder sa forme; l’un des trois obtient le Régime souverain (2), et le  reçoit en l’essence, d’après cela l’instrument s’accorde dans sa triplicité.

(1) On retrouvera l’action de ces trois architectes dans l’exposé des développements  embryogéniques: les trois feuillets de l’embryon fournissant les trois parties de l’organisme et servant d’habitat aux trois âmes de Platon.
(2) Il faut expliquer ici que les trois Fiat dont parle Boehme sont celui de la Lumière, celui des Ténèbres et celui du Monde, mélange des deux premiers. Les trois centres de l’homme appartiennent
au dernier, au Fiat du troisième principe, tout en portant chacun le caractère marqué de l’un des trois Fiat. Cependant le centre instinctif, le centre animique, le centre intellectuel de Fabre d’Olivet ne sont pas du tout les centres de Boehme : chaque auteur a son point de vue.
(Cf. Papus, Traité élémentaire de Sc. Occ.)

8. — Aussitôt que l’homme est né, son Esprit fait vibrer cet instrument; alors la forme spirituelle se verbalise, et agit au dehors en bien ou en mal, car de la même façon que résonne une viole, les sens sortent de l’essence de l’âme et avec eux la volonté avec ses gestes; ainsi s’expliquent les différences des caractères entre enfants des mêmes parents.

9. — Il faut ensuite remarquer que bien qu’un fiat ait le souverain Règne et modèle la forme d’après lui, les deux autres l’accompagnent pourvu que leur instrument vibre; c’est ainsi qu’un homme ou une bête, quoique naturellement enclins au bien ou au mal, se déterminent pour l’un ou pour l’autre contre leur tendance lorsqu’ils subissent une réaction extérieure assez forte; et le méchant dégrade souvent plus encore sa complexion externe quand sa complexion interne est émue; c’est ce qui arrive lorsqu’un Bon émeut cet instrument interne par son désir de charité; ou au contraire, lorsque le Méchant agit par sa force colérique sur la complexion interne du Bon, la colère en ce dernier se réveille.

10. — De même que les formes de vie sont figurées (1) par le fiat (2) pendant la gestation, de même se dessine l’esprit naturel : car il émane de l’essence de tous les trois principes, et il exhale une volonté également semblable.

(1) : La figure, c’est la forme.
(1) : Le fiat, c’est le verbe créateur.



11. — Mais cette volonté peut être brisée par une plus forte qui évertue les formes intérieures et qui emporte le gouvernement ainsi que nous la voyons dans la force du a, convertir en une agréable douceur l’âcreté d’un fruit amer; une bonne plante dans une mauvaise terre ne peut montrer sa vertu, et un bon se gâte au milieu des méchants. Et ces actions s’impriment dans la forme extérieure, proportionnellement à force de l’action interne : ce sont elles qui peuvent se lire


16. — C’est pourquoi la compréhension réside dans la signature, qui permet à l’homme (l’image de la plus grande vertu) de se connaître lui-même et de connaître l’Essence des essences; car à la forme extérieure de toutes les créatures, à leur désir, à leur voix, on peut connaître l’esprit caché, — la Nature ayant à chaque chose donné son langage (selon l’essence et la forme). Le langage prend sa source hors de l’essence et se manifeste, pour les créatures animées, par leur voix, pour les autres, par leur odeur, vertu et figure.


Chapitre II:
De l’opposition et du combat
dans l’être de tous les êtres
Sommaire : La médecine des trois règnes — Les trois premières formes en
l’homme et dans le monde physique — L’alchimie — L’orage

1. — Du nombre infini des formes, produisant chacune sa volonté différente, nous pouvons déduire que l’Adversité existe aussi en l’Essentialité première, que les péripéties de cette lutte où une essence attaque toujours l’autre, et lorsqu’elle la rompt et la vainc l’introduit dans une autre forme, engendrent les maladies et les douleurs.

2. — Là, est le fondement de la médecine, c’est-à-dire l’art de tempérer les essences l’une par l’autre, et de les mener toutes vers une santé harmonieuse; sans cette lutte, il n’y aurait point de nature ni de volonté, mais un néant éternel; car la volonté cause le mouvement, lequel tend au repos et s’excite lui-même en le cherchant.

3. — Le rôle du médecin consiste à égaliser les volontés : elles tendent d’ailleurs, comme à la plus souveraine joie, à s’unir à leur semblable : l’égalité de la Nature éternelle est ainsi reproduite, ainsi que sa Paix éternelle.



Chapitre IX:
Comment l’interne signe l’externe
Sommaire : Les sept formes et les sept planètes — Fondement de la Magie
— Des rapports des planètes entre elles — Cure de la raison —  
Cure de l’âme

1. — Le monde extérieur visible essentiel est une figure du monde intérieur spirituel; ce qui est en l’intérieur et en l’opération s’affirme au dehors analogiquement; l’esprit de chaque chose manifeste sa forme intérieure.

2. — L’Essence de toutes les essences est une vertu resplendissante, c’est le règne de Dieu; il consiste, ainsi que le monde extérieur, en sept formes s’engendrant l’une l’autre et perpétuellement, selon le lieu éternel. C’est pourquoi Dieu a donné à l’homme six jours de travail, et le septième pour sa perfection; c’est aussi un jour de repos, car ces six formes de la force reposent en lui; il est le ton divin, le comble de la joie où se manifestent les autres formes.

3. — C’est le verbe prononcé, la corporéité divine par qui toutes choses sont nées et arrivées à l’essence (1) : ceci afin que l’Essence spirituelle se découvre en un corps compréhensible; l’intérieur tient devant lui l’extérieur comme un miroir, où il regarde s’effectuer la génération des formes.

(1) : Boehme emploie le mot essence indifféremment pour Ens et pour Être.

4. — Ainsi, chaque chose, née de l’interne, a sa signature. La forme qui est la plus virtuelle dans l’opération s’affirme la première dans le corps; les autres formes la suivent, ainsi qu’on le voit dans la figure, les manières d’être, les mouvements et la voix des créatures vivantes, comme dans les arbres et herbes, les pierres et les métaux.


Jacob Boehme
DE LA SIGNATURE DES CHOSES
OU DE
L’ENGENDREMENT
ET DE LA
DÉFINITION DE TOUS LES ÊTRES

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