Constitution intellectuelle, métaphysique de l’Homme


L’HOMME, comme je viens de le dire, appartient à une nature triple; il peut donc vivre d’une triple vie : d’une vie instinctive, d’une vie animique, ou d’une vie intellectuelle. Ces trois vies, quand elles sont toutes les trois développées, se confondent dans une quatrième, qui est la vie propre et volitive de cet être admirable, dont la source immortelle est dans la vie et la volonté divine. Chacune de ces vies a son centre particulier et sa sphère appropriée. 

Je vais tâcher de présenter à l’esprit du lecteur une vue métaphysique de la constitution intellectuelle de l’homme; mais je dois le prévenir qu’il ne doit rien concevoir de matériel dans ce que je lui dirai à cet égard. Quoique je sois obligé, pour me faire entendre, de me servir de termes qui rappellent des objets physiques, tels que ceux de centre, de sphère, de circonférence, de rayon, etc. on ne doit point penser qu’il entre rien de corporel, ni surtout rien de mécanique dans ces choses. Ces mots que j’emploierai, faute d’autres, doivent être entendus par l’esprit seul, et abstraction faite de toute matière. 

L’homme, considéré spirituellement, dans l’absence de ses organes corporels, peut donc être conçu sous la forme d’une sphère lumineuse, dans laquelle trois foyers centraux donnent naissance à trois sphères distinctes, toutes les trois enveloppées par la circonférence de cette sphère. De chacun de ces trois foyers rayonne une des trois vies dont j’ai parlé. Au foyer inférieur appartient la vie instinctive; au foyer médiane, la vie animique; et au foyer supérieur, la vie intellectuelle. Parmi ces trois centres vitaux, on peut regarder le centre animique comme le point fondamental; le premier mobile sur lequel repose et se meut tout l’édifice de l’être spirituel humain. Ce centre, en déployant sa circonférence, atteint les deux autres centres, et réunit sur lui-même les points opposés des deux circonférences qu’ils déploient : en sorte que les trois sphères vitales, en se mouvant l’une dans l’autre, se communiquent leurs natures diverses, et portent de l’une à l’autre leur influence réciproque. 

Dès que le premier mouvement est donné à l’être humain en puissance, et qu’il passe en acte par un effet de sa nature, ainsi déterminée par la Cause première de tous les êtres, le foyer instinctif attire et développe les éléments du corps; le foyer animique crée l’âme, et l’intellectuel élabore l’esprit. L’homme se compose donc de corps, d’âme et d’esprit. Au corps appartiennent les besoins ; à l’âme, les passions ; à l’esprit, les inspirations. 

À mesure que chaque foyer grandit et rayonne, il déploie une circonférence qui, se divisant par son rayon propre, présente six points lumineux, à chacun desquels se manifeste une faculté, c’est-à-dire un mode particulier d’action, selon la vie de la sphère, animique, instinctive ou intellectuelle. 

Afin d’éviter la confusion, nous ne nommerons que trois de ces facultés sur chaque circonférence; ce qui nous en donnera neuf en tout; savoir : 
  • Pour la sphère instinctive : la sensation, l’instinct, le sens commun. 
  • Pour la sphère animique : le sentiment, l’entendement, la raison. 
  • Pour la sphère intellectuelle : l’assentiment, l’intelligence, la sagacité. 
L’origine de toutes ces facultés est d’abord dans la sphère instinctive : c’est là qu’elles prennent toutes naissances, et qu’elles reçoivent toutes leurs premières formes. Les deux autres sphères, qui ne se développent qu’après n’acquièrent leurs facultés relatives que secondairement, et par transformation; c’est-à-dire que la sphère instinctive étant entièrement développée, et portant par son point circonférentiel, la sensation, par exemple, au centre animique, ce centre est ébranlé; il se déploie, s’empare de cette faculté qui l’émeut, et transforme la sensation en sentiment. Ce sentiment, porté de la même manière, et lorsque toutes les conditions sont remplies pour cela, au centre intellectuel, y est saisi à son tour par ce centre, et transformé en assentiment. Ainsi l’instinct proprement dit, passant de la sphère instinctive dans l’animique, s’y transforme en entendement; et l’entendement devient intelligence, par une suite de son passage de cette dernière sphère dans la sphère intellectuelle. Cette transformation a lieu par toutes les autres facultés de ce genre, quel qu’en soit le nombre. 

Mais cette transformation qui s’exécute sur les facultés du genre de la sensation, que je considère comme des affections circonférentielles, et par conséquent extérieures, s’exécute aussi sur les besoins, qui sont des affections centrales, intérieures; de manière que le besoin, porté du centre instinctif au centre animique, y devient ou peut y devenir passion; et que si cette passion passe du centre animique au centre intellectuel, elle peut y prendre le caractère d’une inspiration, et réagir sur la passion, comme la passion réagit sur le besoin. 

À présent, considérons que toute affection circonférentielle du genre de la sensation excite un mouvement plus ou moins fort dans le centre instinctif, et s’y représente à l’instant comme plaisir ou douleur, selon que ce mouvement est agréable ou fâcheux, et qu’il prend sa source dans le bien ou dans le mal physiques. L’intensité du plaisir ou de la douleur est relative à celle du mouvement excité, et à sa nature. Si ce mouvement a une certaine force, il fait naître, selon qu’il est agréable ou douloureux, deux effets inévitables; l’attrait qui l’attire, ou la crainte qui le repousse s’il est faible et douteux, il produit l’indolence. 

De même que le centre instinctif perçoit par la sensation le bien et le mal physiques sous les noms de plaisir ou de douleur, le centre animique développe par le sentiment le bien et le mal moraux sous les noms d’amour ou de haine; et le centre intellectuel se représente le bien et le mal intellectuels sous les noms de vérité ou d’erreur

Mais ces effets inévitables d’attrait ou de crainte qui s’attachent à la sensation instinctive, selon qu’elle excite le plaisir ou la douleur, ne survivent pas à cette sensation, et disparaissent avec elle; tandis que, dans la sphère animique, le sentiment qui fait naître l’amour ou la haine, amenant également deux effets certains, le désir ou la terreur, loin de disparaître avec la cause du sentiment qui les a produits, persistent, au contraire, encore longtemps après avec ce même sentiment, prennent le caractère de passions, et appellent ou repoussent la cause qui les a fait naître. La différence notable de la vie instinctive et de la vie animique est là; le lecteur attentif et curieux doit le remarquer et y réfléchir. Les sensations instinctives sont toutes actuelles, et leurs effets instantanés; mais les sentiments animiques sont durables, indépendamment du mouvement physique qui les produit. Quant aux assentiments intellectuels qui affirment la vérité ou l’erreur, ils sont non seulement durables comme les sentiments, mais influents, encore même qu’ils sont passés. 

Pour ce qui est de l’indolence, qu’excite un mouvement faible ou douteux dans la sensation physique, elle se transforme en apathie dans le sentiment moral, et en cette sorte d’indifférence dans l’assentiment intellectuel, qui confond la vérité et l’erreur, et laisse insouciant sur l’une comme sur l’autre. Cet état, habituel dans l’enfance de l’individu, comme dans l’enfance du règne, domine également dans celle des sociétés.

Cette existence tripliforme de l’homme, quoiqu’elle paraisse déjà très compliquée, à cause des actions nombreuses et des réactions qu’opèrent incessamment, les uns à l’égard des autres, les besoins instinctifs, les passions animiques et les inspirations intellectuelles, serait encore très simple, et n’offrirait guère que celle d’un être nécessité, si nous n’avions pas à considérer cette quatrième vie, qui renferme les trois autres, et donne à l’homme la liberté, qu’il n’aurait pas sans elle. 

Redoublons ici d’attention, car le sujet est important et difficile. 

Sur le centre même de la sphère animique, premier mobile de l’être spirituel humain, porte un autre centre qui y est inhérent, dont la circonférence, en se déployant, atteint les points extrêmes des sphères instinctive et intellectuelle, et les enveloppe également. Cette quatrième sphère, dans l’intérieur de laquelle se meuvent les trois sphères de l’instinct, de l’âme et de l’esprit, à la place et selon le mode que j’ai tâché de décrire, est celle de la puissance efficiente, volitive, dont l’essence, émanée de la Divinité, est indestructible et irréfragable comme elle. Cette sphère, dont la vie incessamment rayonne du centre à la circonférence, peut s’étendre ou se resserrer dans l’espace éthéré jusqu’à des bornes qui pourraient s’appeler infinies, si DIEU n’était pas le seul être infini. Voilà quelle est la sphère lumineuse dont j’ai parlé au commencement de cet article. 

Lorsque cette sphère est suffisamment développée, sa circonférence, déterminée par l’étendue de son rayon, admet un grand nombre de facultés; les unes primordiales, les autres secondaires, faibles d’abord, mais qui se renforcent graduellement à mesure que le rayon qui les produit acquiert de la force et de la grandeur. Parmi ces facultés, nous en nommerons seulement douze, six primordiales, et six secondaires, en commençant par les plus inférieures, et finissant par les plus élevées. 

Ces douze facultés sont : 
  • l’attention et la perception
  • la réflexion et la répétition
  • la comparaison et le jugement
  • la rétention et la mémoire
  • le discernement et la compréhension
  • l’imagination et la création. 
La puissance volitive, qui porte ses facultés partout avec elle, les place où elle veut, dans la sphère instinctive, dans l’animique, dans l’intellectuelle; car cette puissance est toujours là où elle veut être. La triple vie que j’ai décrite est son domaine, elle en use à son gré, sans que rien puisse attenter à sa liberté qu’elle-même, ainsi que je le dirai dans la suite de cet ouvrage. 

Dès qu’une sensation, un sentiment, un assentiment, se manifestent dans l’une des trois vies qui lui sont soumises, elle en a la perception, par l’attention qu’elle leur donne; et, usant de sa faculté de s’en procurer la répétition, même en l’absence de leur cause, elle les examine par la réflexion. La comparaison qu’elle en fait, selon le type de ce qu’elle approuve ou de ce qu’elle n’approuve pas, détermine son jugement. Ensuite elle forme sa mémoire par la rétention de son propre travail, arrive au discernement, et par conséquent à la compréhension, et enfin rassemble, rapproche par l’imagination, les idées disséminées, et parvient à la création de sa pensée. 

C’est bien à tort, comme on voit, que l’on confond, dans le langage vulgaire, une idée avec une pensée. Une idée est l’effet simple d’une sensation, d’un sentiment ou d’un assentiment; tandis qu’une pensée est un effet composé, un résultat quelquefois immense. Avoir des idées, c’est sentir; avoir des pensées, c’est opérer. 

La même opération que je viens de décrire succinctement, s’exécute de la même manière sur les besoins, les passions et les inspirations : mais, dans ce dernier cas, le travail de la puissance volitive est central; au lieu que, dans le premier cas, il était circonférentiel. C’est ici où cette magnifique puissance se montre dans tout son éclat, devient le type de l’univers, et mérite le nom de microcosme, que toute l’antiquité lui a donné. 

De même que la sphère instinctive agit par besoin, l’animique par passion, l’intellectuelle par inspiration, la sphère volitive agit par détermination; et de là dépend la liberté de l’homme, sa force, et la manifestation de sa céleste origine. Rien n’est si simple que cette action que les philosophes et les moralistes ont eu tant de peine à expliquer. Je vais tâcher de la faire sentir. 

La présence d’un besoin, d’une passion, ou d’une inspiration, excite dans la sphère où elle est produite un mouvement giratoire plus ou moins rapide, selon l’intensité de l’un ou de l’autre : ce mouvement est ordinairement appelé appétit ou appétence dans l’instinct, émotion ou entraînement dans l’âme et dans l’esprit; souvent ces termes se substituent les uns aux autres, et se varient par des synonymes dont le sens exprime plus ou moins de force dans le mouvement. La puissance volitive, qui en est ébranlée, a trois déterminations dont elle est libre de faire usage : premièrement, elle cède au mouvement, et sa sphère tourne du même côté que la sphère agitée; secondement, elle y résiste, et tourne du côté opposé; troisièmement, elle demeure en repos. Dans le premier cas, elle se laisse nécessiter par l’instinct, entraîner par l’âme, ou émouvoir par l’esprit, et connive avec le besoin, la passion ou l’inspiration; dans le second, elle les combat, et amortit leur mouvement par le sien; dans le troisième, elle suspend l’acquiescement ou le rejet, et examine ce qu’il lui convient le mieux de faire. Quelle que soit sa détermination, sa volonté efficiente, qui se manifeste librement, trouve des moyens de servir ses diverses appétences, de les combattre, ou de méditer sur leurs causes, leurs formes et leurs conséquences. Ces moyens, qui sont dans le rayonnement continuel du centre à la circonférence, et de la circonférence au centre, sont très nombreux. Je vais seulement signaler ici ceux qui s’attachent plus particulièrement aux douze facultés que j’ai déjà nommées. 
  • L’attention et la perception agissent par individualisation et numération. 
  • La réflexion et la répétition par décomposition et analyse. 
  • La comparaison et le jugement, par analogie et synthèse. 
  • La rétention et la mémoire, par méthode et catégorie. 
  • Le discernement et la compréhension, par induction et déduction. 
  • L’imagination et la création, par abstraction et généralisation. 
L’emploi de ces moyens, et de beaucoup d’autres qu’il serait trop long de nommer s’appelle méditation. La méditation constitue la force de la volonté qui l’emploie. L’acquiescement de cette volonté, ou sa résistance, selon qu’ils sont bien ou mal appliqués, selon qu’ils sont simultanés ou longtemps débattus, font de l’homme un être puissant on faible, élevé ou vil, sage ou ignorant, vertueux ou vicieux : les oppositions, les contradictions, les orages de toutes sortes qui s’élèvent dans son sein, n’ont point d’autres causes que les mouvements des trois sphères vitales, l’instinctive, l’animique et l’intellectuelle, souvent opposés entre eux, et plus souvent encore contradictoires avec le mouvement régulateur de la puissance volitive, qui refuse son adhésion déterminative, ou qui ne la donne qu’après de violents combats. 

Lorsque les déterminations de la volonté ont lieu sur des objets du ressort de la sensation, du sentiment ou de l’assentiment, l’acquiescement ou la résistance suivent simultanément l’impulsion de l’instinct, de l’entendement ou de l’intelligence, et portent leur nom : quand ils sont précédés de la méditation, ils prennent le caractère du sens commun, de la raison ou de la sagacité, et sont dits leur appartenir, et même être leur propre création. 

Après avoir tracé ce rapide tableau de la constitution intellectuelle, métaphysique, de l’homme, je n’ai pas besoin, je pense, de dire qu’il n’est qu’esquissé, et qu’il demande, de la part de celui qui voudra le saisir dans son ensemble et dans ses détails, une grande force d’attention et une étude répétée. J’aurais bien voulu éviter tant de peine à mes lecteurs; et l’on pensera peut-être que j’y serais parvenu en entrant moi-même dans plus de détails; mais on se trompe; je n’aurais fait qu’allonger ma description, sans autre fruit que d’en diminuer la clarté. J’ai dit tout ce qu’il était essentiel de dire; j’ai apporté tous mes soins à bien distinguer les masses. Quant aux détails, il faut les éviter tant qu’on peut dans un sujet où ils sont infinis, et c’est précisément ici le cas. Il se présentera d’ailleurs, dans l’ouvrage qui va suivre, plusieurs occasions d’appliquer et de développer les principes que j’ai posés. Tout ce qui me reste à faire pour le moment, c’est de prévenir sur quelques difficultés qui pourront se rencontrer dans leur application. 

L’homme, n’ayant jamais été analysé aussi rigoureusement que je viens de le faire dans son ensemble, et son anatomie métaphysique n’ayant jamais été aussi nettement présentée, on s’est habitué à prendre très souvent pour le tout une seule de ses parties, et à appeler âme, par exemple, non seulement l’âme proprement dite, mais encore les trois sphères vitales, et même la sphère volitive qui les enveloppe. D’autres fois on s’est contenté de nommer cet ensemble esprit, par opposition au corps; et puis encore, intelligence, par opposition à l’instinct. Tantôt on a considéré le seul entendement comme la réunion de toutes les facultés, et la raison comme la règle universelle, vraie ou fausse, de toutes les déterminations de la volonté. Cet abus de termes ne saurait être dangereux quand il peut être apprécié. Ce qu’on a fait par habitude, on peut le continuer pour la commodité du discours, et pour éviter les longueurs d’une élocution embarrassée; mais il faut prendre garde de ne pas le faire par ignorance. Si l’on veut connaître l’homme en lui même, il faut le considérer tel que je viens d’en tracer le tableau, car il est ainsi. 

Quand je dis néanmoins que l’homme est ainsi, cela ne doit s’entendre que de l’Homme en général, considéré abstractivement dans la possibilité de son essence. L’homme individuel est très rarement développé dans toutes ses modifications mentales, même aujourd’hui que le règne hominal jouit d’une grande puissance dans la nature. Dans l’enfance du règne, la masse de l’humanité était loin d’être ce qu’elle est à présent; la vie instinctive était dans l’individu la vie prépondérante, l’animique ne jetait que de faibles lueurs, et l’intellectuelle n’existait encore qu’en germe. Tel on voit l’enfant naître dans la débilité de tous ses organes, privé même de la plupart des sens physiques, sans aucun indice des facultés imposantes qu’il doit avoir un jour, se développer peu à peu, prendre des forces, acquérir l’ouïe et la vue qui lui manquaient, croître, connaître ses besoins, manifester ses passions, donner des preuves de son intelligence, s’instruire, s’éclairer, et devenir enfin un homme parfait par l’usage de sa volonté; tel on doit considérer le règne hominal passant par toutes les phases de l’enfance, de l’adolescence, de la jeunesse et de l’âge viril. Un homme particulier est à une grande nation, comme une grande nation est au règne en général. Qui sait, par exemple, combien d’hommes avaient fourni leur carrière depuis la plus faible aurore de la vie jusqu’à son extrême déclin, parmi les peuples d’Assyrie ou d’Égypte, durant la longue existence de ces deux peuples ? et qui sait combien de peuples semblables sont destinés encore à briller et à s’éteindre sur la scène du monde, avant que l’Homme universel arrive à la caducité ? 

En traçant le tableau métaphysique qu’on a vu, j’ai considéré l’homme dans le plus grand développement qu’il puisse atteindre aujourd’hui. Ce développement même n’appartient pas à tous les hommes; il n’appartient pas même à la plus grande partie d’entre eux; il n’est l’apanage que du petit nombre. La nature ne fait pas les hommes égaux; les âmes diffèrent encore plus que les corps. J’ai déjà énoncé cette grande vérité dans mes Examens des Vers dorés de Pythagore, en montrant que telle était la doctrine des mystères et la pensée de tous les sages de l’antiquité. L’égalité sans doute est dans l’essence volitive de tous, puisque cette essence est divine; mais l’inégalité s’est glissée dans les facultés par la diversité de l’emploi et la différence de l’exercice; le temps ne s’est point mesuré également pour les uns comme pour les autres; les positions ont changé, les routes de la vie se sont raccourcies ou allongées; et, quoiqu’il soit bien certain que tous les hommes partis du même principe doivent parvenir au même but, il y en a beaucoup, et c’est le plus grand nombre, qui sont très loin d’être arrivés, tandis que quelques uns le sont, que d’autres sont près de l’être, et que plusieurs, obligés de recommencer leur carrière, ne font qu’échapper au néant qui les aurait engloutis si l’éternité de leur existence n’était pas assurée par l’éternité de son auteur. 

L’égalité animique est donc, dans l’actualité des choses, une chimère encore plus grande que l’égalité des forces instinctives du corps. L’inégalité est partout, et dans l’intelligence encore plus que dans tout le reste; puisqu’il y a parmi les hommes existants, et surtout parmi ceux dont la civilisation n’est
qu’ébauchée, un grand nombre d’hommes dont le centre intellectuel n’est pas même encore en voie de développement. Quant à l’inégalité politique, nous verrons plus loin, dans l’ouvrage qui va suivre, ce qu’on doit en penser. 


Antoine Fabre d’Olivet

Histoire philosophique du genre humain
1910

Commentaires

  1. Bonjour, J'aurais aimé comprendre pourquoi le mot "passion" est inscrit ici dans la mesure où son étymologie vient de "passio" signifiant étymologiquement "action de souffrir".
    Que devons nous en retenir ?

    Merci et BRAVO pour votre travail !

    Source : http://www.cnrtl.fr/etymologie/passion

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    1. Aimer passionnellement pourrait donc être en lien avec le fait d'aimer dans la souffrance, dans le conditionnement (avec les travers qui se manifeste de la jalousie de notre corps égotique non bien aligné). L'Amour fusionnel ou vibratoire répondrait peut-être plus dans cet axe ?

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